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Dans la tête d'Antoine Charbonneau-Demers
16 juin 2020 Chroniques d'auteurs

Dans la tête d'Antoine Charbonneau-Demers

Tu es curieux de connaitre l'histoire derrière Baby Boy, le roman d'Antoine Charbonneau-Demers? Viens vite lire l'entrevue dans laquelle il explique d'où lui est venue l'idée de ce livre!

  

1. Comment l'envie d'écrire de la fiction est-elle apparue dans ta vie?

Je voulais devenir acteur, mais je n’étais pas prêt à quitter l’Abitibi pour aller étudier dans les écoles de théâtre situées dans les grandes villes. Je me suis donc inscrit en littérature au cégep. À ce moment-là, je n’avais presque jamais lu un livre au complet, mais les profs m’ont trans-mis leur passion. J’ai eu la chance de rencontrer des auteurs et ils disaient tous la même chose, que ça prenait de la discipline pour écrire. Alors, je me suis botté le cul et j’ai commencé à écrire mon premier roman en secret. Entre temps, j’ai été accepté au Conservatoire d’art dra-matique, mais en toute honnêteté, je regrette d’y être allé. Je pensais que le théâtre ou le cinéma, c’était plus glamour que la littérature, mais ce n’était pas pour moi. J’ai fini par écouter mon cœur et je me suis dit que c’était à moi de faire en sorte que la littérature devienne glamour.

2. Qu'est-ce qui t'a motivé à vouloir écrire une histoire comme celle de Baby Boy?

J’ai toujours voulu écrire en m’inspirant de ma première histoire d’amour. Je souhaitais aborder le fantasme, le désir, mais aussi la frustration et la manipulation. Adolescent, je cherchais à m’épanouir à travers la per-version. C’était ma façon de me rebeller. Avec Baby Boy, je voulais également parler des relations à distance qui sont souvent un enjeu pour les personnes homosexuelles en région.

3. Est-ce que tes personnages principaux sont inspirés de personnes réelles ?

Oui. Je m’inspire de personnes réelles et de situations réelles, c’est ce qui fonctionne le mieux, à mon avis. Quand je demande à mes lecteurs quels passages ils ont préféré, ils nomment toujours des parties de mes livres où je n’ai rien inventé, et souvent, ce qui les touche moins, c’est ce que j’invente. Plus j’écris, plus j’essaie de me rapprocher de la vérité.

4. As-tu toi-même été victime d'intimidation au secondaire?

J’ai toujours dit que moi, j’avais été chanceux, que j’avais été épargné… Mais c’était faux. J’en ai vécu, oui, mais comme Baby Boy, j’ai oublié ces moments-là. Ils me sont revenus en mémoire à l’âge adulte, en écoutant RuPaul’s Drag Race. Je ne suis pas spécialiste, alors je ne peux pas expliquer ce phénomène-là, mais c’est bien ce qui s’est passé. Souvent, ce sont mes amies qui me racontent des choses qui me sont arrivées et que j’avais oubliées, comme quand elles ont empêché ce gars de pisser sur mes souliers.

5. Une journée dans ta vie d'auteur, ça ressemble à quoi?

J’adore la routine. J'exécute toutes les étapes dans le même ordre : je me lève, je bois de l’eau, je fais mon lit, je médite dix minutes, je lis vingt minutes et, ensuite, je me lance dans l’écriture. Quand je n’ai pas d’échéancier avec un éditeur et que j’ai plus de temps, je dessine, je peins ou je m’applique de l’autobronzant l’été. Je suis très proche de mes meilleures amies. On va au gym ensemble, on va voir la même acupunctrice, on est végane ou sans gluten. J’ai une vie d’écrivain rêvée et j’en suis très fier. Je croise les doigts pour que ça dure, et si ça ne dure pas, je m’en fous, j’en aurai profité.

6. Quel serait ton top 5 des livres qui t'ont le plus marqué?

Le premier méchant de Miranda July, qui est écrivaine, mais aussi cinéaste et performeuse. Sa démarche insolite m’intéresse parce qu’elle reste touchante. Je pense qu’il doit toujours y avoir de la sincérité derrière la bizarrerie.

Richard Yates de Tao Lin. Malgré son titre, ce roman n’a presque rien à voir avec l’auteur Richard Yates. C’est plutôt l’histoire d’une fille de 16 ans et d’un gars de 22 ans qui entretiennent une relation à distance, une relation pathétique et d’un réalisme bouleversant. Évidemment, ça m’a rappelé ma première correspon-dance amoureuse. Le livre m’a confronté aux mêmes enjeux et ça m’a enflammé. À ce moment-là, j’ai réalisé quel était le pouvoir de la littérature.

Et au pire, on se mariera de Sophie Bienvenu. C’est peut-être le premier roman québécois contemporain que j’ai lu, et certainement celui qui m’a donné envie d’écrire. J’ai eu la chance de rencontrer Sophie au cégep à Rouyn-Noranda, et c’est en l’écoutant que j’ai compris que je voulais écrire, moi aussi.

La bête rouge de Jeanne-Mance Delisle. J’ai découvert cette écrivaine abitibienne au cégep, encore une fois. Ses thèmes me fascinaient ; la violence, l’érotisme, la laideur. Il me semble que ce qui m’excitait, dans ses livres, c’est qu’elle osait dresser un portrait dégueulasse de notre région.

À l’ami qui ne m’a pas sauvé la vie d’Hervé Guibert. C’est une autofiction à travers laquelle l’auteur raconte son histoire alors qu’il est atteint du sida, comme plusieurs de ses amis. Je viens de le finir et je suis secoué.

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